LE SEMEUR
Victor Hugo
C'est au moment crépusculaire
J'admire, assis sous un portail
Ce reste de jour dont s'éclaire
La dernière heure de travail.
Dans les terres, de nuit baignées
Je contemple, ému les haillons
D'un vieillard qui jette à poignées
La moisson future aux sillons.
Sa haute silhouette noire
Domine les profonds labours
On sent à quel point il doit croire
A la fuite utile des jours.
Il marche dans la plaine immense
Va, vient, lance la graine au loin,
Rouvre sa main et recommence
Et je médite, obscur témoin ;
Pendant que, déployant ces voiles
L'ombre, ou se mêle une rumeur,
Semble élargir jusqu'aux étoiles,
Le geste auguste du semeur.
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