Marilia
Hamadoun Tandina
Si le Mali m’était conté
(encore aujourd'hui : para ti pour toi!!)
Loin de la mer et de la neige,
A la ceinture de l’Algérie,
C’est le Mali de la forêt,
De la Savane et du désert.
Dans la gaîté et dans la joie,
Plusieurs ethnies ont vu le jour
Sur l'étendue du territoire.
La Bambara ou le Dioula,
Le Malinké ou le Marka,
Le Soninké, le Sarakolé,
Le Kassonké de Kayes -Kasso,
Le Fulfouldé ou le Poulard,
Le Sénoufo ou le Mianka,
Le Tamencheick ou le Bella,
C'est le Bobo, c'est le Sonraï,
C'est le Bozo, c'est le Dogon,
C'est le Mali, l'Afrique en marche,
Soudan français, quel beau pays !
C’est le pays du grand soleil,
De la chaleur et des mirages.
C’est le pays des vents de sable,
Des sols mouvants et des chameaux.
C’est la Mali des caravanes,
Des puits profonds et des oasis.
C’est le pays du balafon,
De la Kora et du tam-tam.
Après la plaine du Télemsi,
Voici l'Adrar des Iforas.
Entre Anafiss et Aguelhoc,
A la faveur des vents de sable,
La Marcouba incontournable
A dérouté plus d'un Bédouin.
De Djiddara à Kabara,
Bourèm Bamba et Téméra,
L’hippopotame, le piroguier,
Le crocodile et le pêcheur,
Le capitaine dans le Niger,
Quel bon poisson ! bon appétit !
De Tombouctou au lac Débo,
Diré-Tonka et Niafunké,
Des marécages, des plaines sauvages,
Des pâturages et des prairies,
Des bourgoutières et des rizières,
Des champs de mil et de sorgho.
Petit Bozo, enfant de l’eau,
De bon matin, filet en main,
Se laisse aller au gré du vent,
Dans sa pirogue embarcation.
De Nampala à Markala,
De loulouni, à Bougouni,
De Béléko à Bamako,
De Kangaba à Kayes kasso,
Koulikoro, Kolokani,
Des baobabs, des balanzans,
Des karités, des kapokiers,
De l’arachide et du coton
C’est le Mali, l’Afrique en marche,
Soudan français, quel beau pays !
C’est le pays des éléphants,
Des phacochères et des panthères,
Des écureuils et des serpents,
Des léopards et des chacals.
Il y a des biches et des autruches,
Il y a des lions, il y a des hyènes.
C’est le pays des charognards,
Des éperviers et des vautours,
Des pélicans et des cigognes,
Des tourterelles et des pigeons.
Dans les écoles de mon pays,
Ils sont nombreux les tout petits,
Assis par terre sous un hangar,
Pour la lecture et l’écriture.
En observant la tradition,
Pour le serpent, je joue la flûte,
Pour l’éléphant, je joue le temps,
Et pour le lion, c’est le regard.
C’est le Mali, l’Afrique en marche,
Soudan français, quel beau pays !
Le cousinage est sans façon.
C’est le regard, c’est le sourire,
Chaleur humaine qui se dégage,
C’est les odeurs et les couleurs,
C’est la pitié, la tolérance,
La main tendue à son prochain,
Fraternité un peu partout,
C’est la famille au grand complet.
Papa est là, Maman aussi,
Mon frère est là, Ma sœur aussi,
C’est mon cousin, c’est ma cousine.
Papi est là, Mamie aussi,
Tonton est là, Tanti aussi,
C’est mon neveu et c’est ma nièce.
Bonjour voisin, bonjour voisine,
Comment ça va, ça va très bien,
Et la santé, et le boulot,
Et la famille et les parents,
Et les enfants et les amis,
Ca va, ça va ! Ca va très bien !
La concession est bien remplie,
Et tout le monde son petit coin,
Repas commun de tous les jours,
Dans le respect du droit d’aînesse.
Lalla Aïcha est née là-bas,
Dans le désert de Tombouctou,
Sous le soleil du Sahara.
Fatoumata est née là-bas,
Dans la savane de Bamako,
Au bord du fleuve, le Djoliba.
Salimata est née là-bas,
Dans la forêt de Sikasso,
Kénédougou de la verdure.
Petit enfant,
Tous les matins, à ton réveil,
Bonjour papa, bonjour maman,
Tu prends ton sac, tu vas en classe,
Bonjour monsieur, bonjour madame,
Et n’oublie pas tes camarades,
Je suis content, content pour toi,
Petit enfant.
Petit poussin,
Tous les matin à ton réveil,
Cocorico ! papa est là,
Tu veux chanter, tu veux danser,
C’est la samba, c’est la roumba,
Il fait beau temps, quel beau soleil !
Je suis content, content pour toi,
Petit poussin.
Petit poisson.
Tous les matins à ton réveil,
Tu sors de l’eau, tu tords la queue,
Tu veux chanter, tu veux danser,
C’est la samba, c’est la roumba,
Il fait beau temps, quel beau soleil !
Je suis content, content pour toi,
Petit poisson.
Petit oiseau,
Tous les matins à ton réveil,
Tu sors du nid, tu bats des ailes,
Tu veux chanter, tu veux danser,
C’est la samba, c’est la roumba,
Il fait beau temps, quel beau soleil !
Je suis content, content pour toi,
Petit oiseau.
Petit serpent,
Tous les matins à ton réveil,
Tu sors du trou, tu tords le cou,
Tu veux chanter, tu veux danser,
C’est la samba, c’est la roumba,
Il fait beau temps, quel beau soleil !
Je suis content, content pour toi,
Petit serpent.
Lalla Aïcha est née là-bas,
Dans le désert de Tombouctou,
Sous le soleil du Sahara.
Fatoumata est née là-bas,
Dans la Savane de Bamako,
Au bord du fleuve, le Djoliba.
Salimata est née là-bas,
Dans la forêt de Sikasso,
Kénédougou de la verdure.
Petit enfant,
Tous les matins à ton réveil,
Bonjour papa, bonjour maman,
Tu prends ton sac, tu vas en classe,
Bonjour monsieur, bonjour madame,
Et n’oublie pas tes camarades,
Je suis content ,content pour toi,
Petit enfant
TABALE
Ancêtre du tam-tam des forces occultes,
J'ai un jour croisé ton regard de feu,
Derrière les murailles de l'oubli,
Dans le recoin du foyer de la mort.
Tam-tam du partage de tous les temps,
Ecoute les tristes voix du soleil levant !
Santé pour tous les enfants de la terre,
Malheur à toutes les armes de guerre.
Grand père de la flûte des nuits noires,
Plus d'herbe qui pousse dans les prairies,
Plus de porte qui s'ouvre à l'horizon,
Les poussins ont aperçu l'épervier.
La plume s'est noyée dans l'encrier,
Le livre a pris feu sans pouvoir crier.
L'ignorance perd les traces du savoir
En voulant tout apprendre dans le noir.
Père de la guitare des grands jours,
Quel nuage d'espoir s'est dissipé
Quel chemin doit-on emprunter
A un pas et demi de l'an deux mille ?
Ne connaissant aucune saison morte,
La charité frappe de porte en porte.
Le pauvre mendiant mesure ses pas
Et très poliment expose son cas.
Fils du violon de la vie éternelle,
Tu compteras les étoiles du ciel
Et tu verras les pattes du soleil
A travers les rideaux du paradis.
Au pied des murs, sous les petits ponts,
La rue crache son monde vagabond.
Ici-bas, c'est la potasse et le miel.
Les sans-abri composent avec le ciel.
Petit-fils de la Kora des sans voix,
Je veux partager l'élan de ton cœur.
Je veux partager aussi tes murmures
Et t'emprunter une goutte de larme.
L'angle du vrai visage de la vie
S'ouvre selon le degré de l'envie.
On ne connaît la valeur d'un organe
Que lorsqu'il est totalement en panne.
Arrière petit-fils du balafon,
Ecoute plutôt la voix de ton maître.
Chaque morceau de terre a son histoire,
Et dans la vie, à chacun son destin.
Tam-tam du partage de tous les temps,
Ecoute les tristes voix du soleil levant !
L'AFRIQUE EN MARCHE
Mes chers amis, je vais vous dire
En quelques mots, comment je vois
La situation des Africains
Au rendez-vous de l'an deux mille.
Je crois savoir qu'il faut compter
Avec le temps, les grands moments
De frustration et d'abandon
De l'enfant noir.
Je crois savoir qu'il y a longtemps
Que petit Blanc s'est réveillé
Pour étudier les conditions
De vie sociale.
Mes chers amis, je vais vous dire
En quelques mots comment les Blancs
Ont capturé nos grands parents,
La corde au cou, les fers aux pieds
Dans les navires vers les Antilles.
L'année derrière à Bamako,
J'ai rencontré sur mon chemin,
Un historien Sénégalais
Qui m'a donné à réfléchir.
C'est à Gorée, au Sénégal,
Que le destin s'est accompli.
Mes chers amis, je vais vous dire
En quelques mots comment les Blancs
Au fil du temps ont capturé
Et conservé cheveux crépus,
Au carrefour des sept chemins.
La solitude, la déception,
La pauvreté et l'ignorance
Dans la prison,
La maladie devant la mort.
De la forêt à la savane
Et le désert, le Sahara,
En traversant les océans,
Que d'intérêts pour composer
Les sociétés et définir
Les continents.
Tout au début des audacieux
Se sont jetés devant la scène
Pour découvrir les coins de terre
Les plus cachés de la planète.
Faut-il citer Réné Caillé,
Explorateur bien déguisé
Sous le manteau du serviteur
De la mosquée Djingarey-ber.
Tous les matins et tous les soirs,
Le chapelet, le grand boubou
Et le turban, 'Allah Akbar!'
Que de comptoirs se sont dressés
Le long des côtes.
C'est le bonbon et le miroir,
C'est le fusil et la cartouche,
Les vêtement de couleurs vives
Pour un esclave.
En mil huit cent quatre vingt dix
Des soldats blancs ont traversé
Les océans pour s'imposer
Aux Africains.
Des tirailleurs sénégalais
Se sont mêlés aux coups de feu
Pour capturer des Soudanais
Et pourquoi pas des voltaïques,
Des Ivoiriens, des Nigériens.
Et bien voilà, voilà pourquoi
Le grand empire du Bleu-Blanc-Rouge
S'est étalé de la forêt,
A la savane et le désert
Jusqu'à la mer.
C'est le soleil des Gouverneurs
De l'A.O.F , de l'A.E.F.
C'est le soleil des commandants,
Des interprètes, des gardes de cercle.
Il faut frapper et chicoter
Et ligoter récalcitrant,
Dans les marchés, dans les bureaux,
Devant les femmes et les enfants.
Bientôt la guerre,
Les Africains mobilisés
seront au front
Pour libérer drapeau français.
Plusieurs soldats cheveux crépus
Sont déclarés des combattants
Incomparables.
Des médaillons et des galons
Sur la poitrines, sur les épaules
En attendant le temps qui passe.
Une autre guerre a éclaté.
Les Africains, mobilisés
Plus que jamais, se sont battus
Les armes au poing pour libérer
La deuxième fois drapeau français.
Bientôt les Noirs pourront choisir
Leurs responsables auprès des Blancs
Qui les gouvernent au fil du temps.
Référendum a demandé
Aux Africains de définir
Leur position envers la France.
Si oui ou non indépendance
Est de raison, chacun pour soi
Et Dieu pour tous.
C’est la Guinée, Sékou Touré
Qui a déclaré à haute voix :
Non ! non ! non !
« Nous préférons la liberté
dans pauvreté
à la richesse dans l’esclavage. »
Le Sénégal et le Soudan,
Fédération pour un moment.
Vingt deux septembre de l'an soixante,
Mali est né.
Le socialisme battant ses ailes
Pendant huit ans a rencontré
Sur son chemin des militaires.
Des caporaux, des lieutenants,
Des capitaines, des commandants,
Un coup d'Etat.
Balla Moussa, un lieutenant
Devant la scène s'est recherché
Pendant dix ans parmi les siens.
Un beau matin, il fait voter
Tous les maliens, parti unique,
U.D.P.M., le Lion debout,
Et il devient le Chef suprême.
Le vingt six Mars quatre vingt onze,
Des soi-disant la voix du peuple,
Ont mis le feu un peu partout
A Bamako pour réclamer,
Démocratie comme un gâteau,
Qu'il faut donner aux tout- petits
A partager le petit soir,
Au rendez-vous de l'an deux mille.
Mes chers amis, nous sommes déjà
Au rendez-vous de l'an deux mille.
Pour commencer, il faut briser
La calebasse des mains tendues,
Par le travail bien accompli
De tous les jours.
Il faut gagner les grands combats
Contre les cas de malaria,
De choléra et de sida.
Il faut changer mentalité,
Mentalité du Président.
Il faut changer mentalité,
Mentalité des députés.
Il faut changer mentalité,
Mentalité des gouvernants,
Des commandants, des paysans,
Des commerçants, des étudiants,
Des assistants, des coopérants
Des artisans et des mendiants.
Il faut changer mentalité,
Mentalité des gouverneurs,
Des directeurs, des inspecteurs,
Des ingénieurs, des conducteurs,
Des éleveurs et des pêcheurs.
Il faut changer mentalité,
Mentalité des écoliers
Des ouvriers, des boulangers
Des cordonniers, des couturiers,
Des menuisiers, des tisserands,
Des forgerons et des maçons.
Il faut changer mentalité,
Mentalité de la balance,
Des magistrats, des avocats,
Des policiers et des gendarmes.
Il faut changer mentalité,
Mentalité des infirmiers,
Des médecins, des pharmaciens,
Des guérisseurs, des charlatans,
Des magiciens et des brigands.
En vérité, il faut changer
Mentalité pour mériter
La liberté au rendez-vous
De l'an deux mille.
BIOGRAPHIE
Né au Mali, près de Tombouctou, à Goundam vers les années brûlantes de la seconde guerre mondiale, d'une mère peulh et d'un père sonraï, Hamadoun Tandina est élevé par ses grands parents dans la tradition peulh.
A l'issue d'une courte scolarité, il devient berger. Plus tard, à l'âge adolescent, un prêtre hollandais l'encourage à parfaire son instruction et lui redonne le goût de la lecture et de l'apprentissage du savoir. Il devient alors dactylographe, agent technique du service civique rural puis instituteur en 1968. En 1975, Hamadoun Tandina abandonne l'enseignement pour se consacrer entièrement à la poésie, au conte et au spectacle.
Elève de la grande école de 'Mère Nature', Hamadoun Tandina a foulé ses chemins, traversé ses déserts, nagé dans ses fleuves. Il s'est empli de ses sons, ses odeurs. Il s'est émerveillé du chant de ses oiseaux dans les frondaisons des arbres, de la beauté de ses animaux dans l'aridité de ses paysages. Communiant avec elle, il est devenu son confident. Dans les dunes jouxtant le fleuve Niger, tandis qu'il était berger, ce grand homme mince et droit, au regard brûlant et aux gestes tranchants, a succombé aux charmes de 'Muse Nature', lui offrant sa poésie pour preuve de son amour et sa solitude de voyageur boulimique en gage de sa fidélité.
Au fil de ses pérégrinations, de ses rencontres, il a partagé sa poésie et ses histoires avec les villageois qui l'hébergeaient le long de son chemin. Il a cultivé la parole comme on domestique un fleuve turbulent pour mieux l'amener à irriguer les plaines qu'il traverse dans sa course. Intarissable narrateur de l'histoire de son peuple, Hamadoun Tandina, 'l'arbre qui marche et donne ses fruits', a fait de sa poésie spontanée le témoin vivifiant de la richesse de la culture malienne.
Se définissant lui-même comme un sac à parole, empli de contes, de poèmes et de chansons, cet ambassadeur itinérant de la culture africaine est un infatigable orateur qui surprend et émerveille enfants et adultes.
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